Le vin bleu : nouveau champagne ou boisson indigeste?

© Gïk Live

La créativité et l’innovation sont des moteurs essentiels du développement des sociétés. Bien que les inventions dans tous les domaines aient considérablement amélioré notre qualité de vie, tout particulièrement depuis les 200 dernières années, notre réaction face à la nouveauté n’est pas toujours positive. Qui aurait pensé au début du 20e siècle que Picasso s’imposerait comme un modèle du beau ou du bien, que l’on ne pourrait plus se passer de notre téléphone-tablette électronique lors de sa mise en marché alors que nous disposions déjà de téléphones intelligents?

Rébellion créative

Le monde du vin souvent très conservateur n’échappe pas à l’innovation ni à la résistance au changement qui l’accompagne souvent. C’est ce dont le Cercle du vin a pu faire l’expérience lors de notre dernière rencontre en juin. Nous avons goûté à la nouveauté de l’été au Québec, le vin bleu, dont l’inventeur prétend qu’il est une « innovation », une « rébellion créative » dans le domaine du vin. Il fallait voir le visage des dégustateurs lors de l’arrivée sur la table du nouveau venu : regards désapprobateurs, rires moqueurs. La dégustation a plutôt confirmé le préjugé initial.

Le vin bleu est produit par l’entreprise espagnole Gïk depuis 2015 (d’autres producteurs ont suivi). Pourquoi avoir décidé de faire du vin bleu? Le site Internet de la société répond de manière élusive à la question, et l’explication offerte n’a rien pour répondre à la curiosité des dégustateurs habitués à un langage plus traditionnel : « Nous avons ainsi été attirés par l’idée poétique de transformer un océan rouge en océan bleu en modifiant la couleur rouge traditionnelle de ce liquide, que nous avons rendue bleue. »

Liquide lave-vitre

L’explication sur la manière dont on obtient le vin bleu est cependant moins ésotérique. Selon la fiche technique du site Internet de Gïk, la couleur bleue est obtenue en mélangeant des cépages blancs et rouges (lesquels, mystères?) et en y ajoutant des pigments naturels provenant de la peau des raisins qui entrent dans la composition du vin.

Maintenant, la question essentielle : le vin bleu, nouveau champagne ou boisson indigeste? Bien que la couleur soit peu invitante pour l’amateur de vin et rappelle le liquide lave-vitre ou les boissons sucrées pour les enfants plutôt qu’un grand cru de Bordeaux, le nez est légèrement fruité et sans complexité, la bouche est sucrée sans autre signe distinctif. Bref, c’est digeste pour qui aime les vins doux. En fait, s’il ne s’agissait de la couleur, on aurait l’impression d’avoir affaire à un rosé peu expressif et trop sucré.

À acheter? Certainement pas, à moins de le présenter comme une curiosité afin de divertir vos convives lors de votre prochaine soirée. Manifestement destiné à une clientèle jeune qui l’oubliera à l’apparition de la prochaine tendance, le vin bleu est à jeter aux poubelles de l’histoire avec d’autres innovations inutiles telles l’eau à basse calorie ou le parapluie pour chaussure.

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