Quand ton meilleur pote te sert habituellement de l’Alchimiste rousse, que tu lui as déjà fait dépenser un loyer en pinard dans le temps des fêtes (quand nous avions encore vraiment 10 % à la SAQ), et que les Barolo et Gevrey-Chambertin qu’il devait garder 5 ans sont partis en 5 mois, tu es en droit de te demander ce que tu vas boire en arrivant un samedi 3 mars à 22 h 7 à l’improviste.
Et puis… tu regardes ce qui est sur la table… une bouteille à la forme dangereusement alsacienne, mais qui n’en est pas… un peu comme quand on confond un Bavarois avec un Viennois. Au départ, ils sont contents, mais ils finissent toujours par se prendre la tête s’ils en viennent à parler de Mozart ou de Beethoven.
OK, je me perds! La forme de la bouteille est alsacienne. Le nom du vin évoque la Savoie « Roussette de Bugey » (j’ai bu une fois un Bugey mousseux rosé à 7,5 % d’alcool; c’était bon, mais pas assez pour que j’ouvre mon atlas, enfin mon Google Maps). Mais mais mais… soyons concis : la région de production est donc le Bugey, dans le département de l’Ain, le cépage est de Savoie, mais le vignoble se trouve dans la prolongation méridionale du massif du Jura. Ce cépage porte l’auguste nom d’Altesse. Marie-Antoinette en aurait perdu la tête! Spontanément, j’aurais pensé à du chenin blanc. Le premier nez évoque des fleurs blanches et une jolie sensation de fraîcheur. Sur le second, on est dans les registres du coing, du miel avec une touche d’iode. L’attaque est vive, presque « cidrée ». La trame longiligne comme un coureur de 8 000 m présente une « foulée » régulière mais tout en rondeur, genre un gars qui aime l’effort mais qui clenche une poutine après avoir sué 1000 calories. Efficace mais sensuel. La finale acidulée et chatouillante se conclut par un petit suc’ résiduel plutôt charmant. Bref, à 22,55 $, si vous aimez le chenin, allez-y à fond. C’est original, assez rare et pour conclure c’est bon, très bon!
Roussette du Bugey 2015, Gérald Dubreuil