Le choc.
Avant de m’établir au Québec, je n’imaginais pas que le fait de boire du vin régulièrement puisse être un privilège. C’est un fait, le vin est très cher ici, surtout le vin de « consommation courante ». À l’arrivée, le choc est donc normal lorsque l’on se met à débourser deux à trois fois plus pour une même bouteille que d’habitude. De ce fait, au-delà de l’aspect socioculturel, je compris aussi pourquoi la consommation locale de vin était divisée par trois et pouvait laisser place à un certain snobisme.
Une chance.
En revanche, il est impressionnant de constater que l’on peut avoir accès à presque tout. L’offre est absolument phénoménale. C’est une chance pour le consommateur qui, bien conseillé, trouvera assurément son bonheur ou sa pastille de goût. Mais il s’agit aussi et surtout, d’une aubaine pour le professionnel. Avoir le privilège de déguster et de découvrir à peu près tout ce qu’il se fait sur le globe, soigneusement sélectionné, permet de s’aiguiser le palais et d’alimenter sa base de données. Si les connaissances du vin sont derrière, la mise en application, pour ne pas dire la mise en bouche au Québec est une partie de plaisir. Je crois d’ailleurs aussi que cet aspect contribue à la très haute qualité de la sommellerie québécoise, qui lui vaut sa réputation internationale. L’œnologue, qui a cette chance lui aussi, s’en donne à cœur joie. Sans cesse à la découverte de nouveaux flacons, de nouveaux styles; proche de la tendance et à la veille de ce qu’il se fait. Goûter, goûter à nouveau et goûter encore. Quel bonheur. L’apprentissage est permanent, le perfectionnement perpétuel. Mais cet aspect n’est que personnel puisque le rôle de l’œnologue se trouve en amont du vin, à la production. Dans l’ombre, il n’est que rarement en contact avec le consommateur.
Un rêve.
Pour le coup, le producteur immigré en moi, loin de sa cave et privé de sa source, est donc aussi devenu client. Heurté par le prix donc, mon rapport avec le jus de raisin fermenté a profondément été ébranlé à cet instant précis où la notion de coût venait nuire à un plaisir « simple ». Il faut dire que la marche est assez haute. C’est sans doute l’une des raisons qui ont motivé mon implication dans la production locale. Idéalisant le fait de pouvoir offrir un jour au consommateur québécois, un vin produit sur place, de qualité comparable, au tiers du prix. Le vin pour tous. Nous sommes aujourd’hui sur la bonne voie pour la qualité. Mais, j’aurais l’occasion d‘en reparler, le prix n’est pas encore au rendez-vous. Le chemin est encore long… mais je suis heureux d’en trouver aujourd’hui dans les épiceries.
Je ne crois pas que le vin doit être un luxe, seulement le grand vin en est un. Je pense que le consommateur devrait se poser davantage de questions lorsqu’il paie sa bouteille de vin. À commencer par la première : qu’est-ce que je suis en train de boire réellement? Chacun a sa notion de bon vin, de mauvais vin. Peu importe son origine. Alors que je crois plutôt qu’il y a un bon prix-mauvais prix… En attendant, le consommateur en moi continue à jouer à trouver le meilleur rapport qualité-prix puisque c’est le but du jeu. L’œnologue, lui, continue à rêver.
Pour illustrer mon propos et terminer cette chronique, l’Atlantis d’Argyros est le rapport qualité prix que je recherche dans les vins au Québec, unanimement reconnu comme tel par mes collègues du CercleduVin.com lors de notre dernière dégustation. Ce vin est très bon dégusté à l’aveugle, il devient excellent quand on apprend qu’il vaut 17,85 $ à la SAQ!
Argyros Atlantis 2016 Vin blanc, 750 ml Code SAQ : 11097477
Cépages : 90 % assyrtico, 5 % aidani, 5 % athiri
Agence de représentation au Québec : Oenopole